La vie est faite de choix et ils ne sont pas toujours faciles à prendre. Souvent, ils nécessitent de faire certains sacrifices et, souvent, ils viennent avec un lot de regrets qu’il est plus ou moins facile d’accepter. Seize ans plus tôt, Charlotte avait décidé d’obéir à la volonté de son amie pour protéger l’homme dont elle avait fini par tomber amoureuse. Afin de les garder tous les deux, la pâtissière avait accepté de garder un secret qui l’avait hanté pendant tout ce temps et qu’elle avait maintes fois eu envie de rompre sans succès. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir tenté de convaincre Léa avant son départ mais aussi après, même une fois mariée, même une fois Alice dans le tableau, même avec la peur. Hors Léa avait toujours refusé, prétextant s’en sortir à merveille et affirmant que c’était mieux ainsi. Comment aura-t-elle pu en douter ? Comment aura-t-elle pu trahir son amie à ce point ? Alors elle avait trahi son mari en espérant que ce qu’il ignorait ne puisse pas lui faire de mal. Malheureusement, la vérité fini toujours pas ressortir et l'ampleur du désastre été de très loin planifiable, elle avait juste été trop naïve pour ne pas y penser et pour espérer le contraire pendant tout ce temps.
« Bien sûr oui. » Murmura-t-elle, la voix tremblante de fatigue et d'émotion. Bien sûr oui, ils devaient discuter eux aussi même si ce n'était pas une bonne idée de le faire à chaud. « Je... Je ne sais pas non plus. » Admit elle, ayant finalement déjà tout dit avant de disparaître dans la chambre avec Alice. Elle lui avait expliqué à plusieurs reprise le pourquoi du comment mais il était facile d'imaginer que ce ne soit pas facile à encaisser du premier coup. Tant pis, elle allait devoir se répéter malgré la douleur, c'était bien mérité de toute façon. « Je n'ai que du cidre ici mais j'ai du Ardbeg Uigeadail en cuisine en bas, il est excellent pour cuisiner... » Admit elle, un peu gênée. Charlotte ne buvait pas et elle avait même préféré éloigner toute tentation depuis leur séparation. Juste du cidre pour accompagner ses pâtisseries et seulement pour les invités. « Il n'y a rien à comprendre, il y a seize ans j'ai fait un choix égoïste par peur et aujourd'hui nous en payons le prix. J'ai pourtant tenté mille fois de convaincre Léa mais elle préférait rester loin de nous, dans sa nouvelle vie qu'elle prétendait merveilleuse. Si j'ai accepté de te mentir c'est seulement parce que je savais que la vérité me ferait vous perdre tous les deux et que je n'étais pas assez forte pour envisager cette possibilité. Accepter de trahir la confiance de Léa et t'avouer l'existence de Cole m'aurait valut de la perdre et, toi, tu aurais naturellement tout fait pour te rapprocher d'eux donc je t'aurais perdu également, c'est aussi simple que ça. » C'était la pure vérité et la jeune femme n'avait pas d'autres mots pour s'expliquer. Que dire de plus de toute façon ? Que faire de plus maintenant ? « J'ai voulu t'en parler quand j'ai reçu la lettre de Léa m'annonçant son état de santé et la possibilité qu'elle ne s'en sorte pas... Mais tu te serais sans doute précipité à son chevet et je n'ai pas voulu lui imposer ça dans sa situation, ça aurait été trop difficile pour elle alors j'ai simplement promis de prendre soin de Cole et de gérer la situation entre vous au mieux. » Continua-t-elle, les yeux fixé sur le mouchoir humide qu'elle triturait entre ses doigts tremblant. Ses yeux étaient humides eux aussi mais elle luttait contre les sanglots qui transparaissaient pourtant clairement dans sa petite voix fragile. « Pour être tout à fait franche, je n'ai pas compris la réaction de Léa non plus au départ, pourquoi elle n'avait pas tenté de t'en parler, pourquoi elle n'avait pas voulu que tu partages ça mais qui étais-je pour juger ? J'ai tenté de la convaincre puis elle a disparut de ma vie aussi, ne revenant que bien plus tard pour m'assurer que tout allait bien. Cole était déjà plus grand, il... Il devait avoir trois ou quatre ans quand Léa a reprit contact avec moi pour la première fois. Sa famille n'a pas dû lui laisser vraiment le choix et je ne pouvais pas lui infliger une peine supplémentaire en allant contre sa volonté, sa vie était déjà assez compliquée comme ça. » Une fois encore, c'était la vérité nue, simple et sans bavure. La petite brune prit une grande inspiration puis secoua doucement la tête. « Attends je… » Reprit elle, attrapant son téléphone portable et y bidouillant un moment. Après quelques instant, une petite galerie de photos s'était déverrouillée et montrait quelques photos de Cole petit ainsi que de Léa, les photos que cette dernière joignait parfois à ses messages et que Charlotte avait précieusement conservées. « J'ai sauvegardé les rares photos qu'elle m'avait envoyées avec ses messages. Je n'ai pas eu tant de nouvelles que ça au cours des années, juste quelques mots de temps en temps pour me dire que tout allait bien… » Expliqua-t-elle, tendant le téléphone à William en osant enfin le regarder dans les yeux pour la première fois. « Je suis désolée… »
Ajouta-t-elle avant de baisser une nouvelle fois les yeux en se pinçant les lèvres. Désolée oui, c'était un moindre mot et ça ne couvrait qu'une once de son réel ressenti. Jamais elle ne pourrait se le pardonner et elle ne pouvait que comprendre si lui non plus ne le pouvait pas. C'était de la haute trahison, un mensonge dévastateur qui remettait en cause tout un pan de leur vie… Il ne pouvait que la détestait maintenant, elle venait de détruire le peu d'espoir qu'ils avaient de reprendre une vie normale… Mais, au moins, elle n'avait pas trahit la dernière volonté de son amie et Cole avait retrouvé son père, au moins ça.
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Ven 1 Sep - 16:14