Charlotte avait gardé le secret pendant toutes ces années. Un silence respectueux bien que douloureux, une promesse qu'elle avait mainte fois regretté aussi : Cole avait le droit de connaître son père tout comme Will avait le droit de savoir pour son fils. Elle n'avait pas compris la décision abrupte de son amie, tentant de la dissuader au départ puis abandonnant l'idée en réalisant qu'elle lui faisait plus de mal qu'autre chose. À elle comme à Charlotte d'ailleurs car cette dernière était amoureuse de Will et redoutait de le perdre malgré tout... S'il avait su pour Cole, il aurait sûrement tout fait pour tenir sa propre promesse, celle de s'occuper de lui à distance et cela incluait peut-être de devoir quitter le pays. Quitter Charlotte donc et ne jamais lui offrir cette petite fille qu'ils aimaient tant... Égoïste ? Oui, sûrement, mais c'était aussi la volonté de son amie alors ce n'était qu'en partie égoïste non ? Et pourtant la culpabilité persistait, tout comme la douleur hardane qui ne fut qu'empirer par la vue du garçon…
Beau comme son père mais clairement le fils de sa mère aussi. Le cœur de la pâtissière manqua un bond, la faisant presque hésiter mais il était trop tard et elle n'aurait pas pu faire ça à son amie, pas maintenant… Cole était là, il avait vu son petit panneau de fortune et il était seul. Comment pouvait elle l'abandonner maintenant ? Comment pouvait elle refuser cette dernière volonté alors qu'elle avait promis à son amie de tout faire pour les aider ? Une grande inspiration et un sourire gêné plus tard, la jeune femme tendait la main à ce garçon dont elle ne savait pas grand-chose, frappée par la tristesse dans son regard et par son incapacité à y changer quoi que ce soit. Et voilà qu'à la culpabilité se mêlait l'impuissance... Elle pouvait lui offrir à manger oui, un toit aussi, de l'amour bien sûr mais rien ne pouvait lui rendre sa mère et rien ne l'aiderait à pardonner à son père de ne pas avoir été là…
« Je... J'ai préféré ne pas le lui dire tout de suite car je ne savais pas si tu étais prêt à le voir ou si tu préférais attendre... » Avoua-t-elle alors que le trajet à la voiture avait été atrocement silencieux malgré ses tentatives. « Ta maman m'avait fait promettre de garder le secret et je ne voulais pas rompre ma promesse avant de t'en parler. Je sais à quel point ça doit être dur pour toi alors je ne voulais pas t'ajouter de la pression inutilement, il sera là quand tu voudras. »
Ajouta-t-elle d'une voix douce et rassurante. Tremblante aussi, légèrement... Charlotte était émue de parler de Léa et de cette promesse, émue de ce lourd secret trop longtemps gardé et qu'elle n'aurait jamais pensé devoir révéler... Mais le destin en avait décidé autrement et, maintenant, elle devait l'assumer. Plus facile à dire qu'à faire seulement, là encore, elle n'avait pas le choix. Et, là encore, le trajet jusqu'à son petit appartement au dessus de la pâtisserie fut silencieux. Un silence étrange qui ne l'aida pas à se sentir plus détendue mais qu'elle ne pouvait rompre par peur de mettre son nouveau protégé mal à l'aise. Il avait déjà assez à gérer émotionnellement sans avoir à faire la conversation après tout... Et de quoi pouvaient-ils parler de toute façon ? C'était une situation plus que délicate à laquelle elle n'était pas préparée, pas plus que lui sans doute... Heureusement, ils furent rapidement arrivés et la pâtissière le guida d'abord à sa chambre pour qu'il puisse poser ses affaires.
« Pâtissière pour être exacte mais, oui, c'est l'idée. » Répondit-elle, le reprenant sans la moindre agressivité et tentant même un sourire amusé qui n'était que peu crédible pourtant. Gêne oblige. « Tu n'as pas à te montrer discret Cole, tu es ici chez toi ne t'en fais pas. Je sais que c'est compliqué pour toi bien plus que pour moi, tu n'as aucun compte à me rendre ni aucune explication à me donner, prends ton temps. » Le aura-t-elle, osant timidement poser une main sur son épaule. « Oh et... Désolée pour l'aspect un peu monastique de la chambre. Je n'ai pas eu le temps de la personnaliser plus que ça mais, dès que tu seras d'attaque, nous pourrons aller acheter quelques meubles et de quoi en faire un lieu plus accueillant. »
L'appartement de Charlotte n'était pas très grand, juste deux chambres, une cuisine américaine qui ouvrait sur un salon / salle à manger de taille correcte, des toilettes et une salle de bain assez spacieuse quand même. Parfait pour deux personnes en somme, ou pour un couple avec un seul enfant. La décoration était sobre bien que chaleureuse dans l'ensemble mais la chambre manquait d'âme, préparatif de dernière minute oblige... Il faut dire que c'était la chambre d'Alice au départ, un berceau, une table à langer, du rangement... Heureusement quand même, les murs étaient couleurs crème ce qui rendait la pièce neutre et pas trop enfantine. Dans la précipitation, Charlotte avait déménager Alice dans sa chambre, récupérant un lit une place, une petite table de chevet et un plus grand placard pour Cole en attendant de faire mieux. Il avait donc de quoi ranger ses affaires et un lit confortable mais ce n'était pas Byzance... Il méritait mieux.
« En attendant, reposes toi aussi longtemps que tu le souhaites, je serais dans le salon si tu as besoin de quoi que ce soit. J'ai aussi préparé plusieurs plats si tu as un petit creux... Je ne savais pas trop ce que tu aimais manger alors j'ai fait un peu de tout, il faudra qu'on en discute aussi afin que je puisse m'adapter à tes goûts. » Sourit-elle, toujours de sa voix douce et rassurante, espérant l'aider à se sentir un peu mieux et luttant contre son propre malaise du mieux possible. « Si tu veux prendre un bain ou une douche, la grande serviette bleu est à toi et je t'ai posé une débarbouillette de la même couleur sur le sèche serviette, fais comme chez toi. Tu as aussi tout le nécessaire près de l'évier et dans la baignoire, sers toi. »
Charlotte n'avait pas eu beaucoup de temps mais elle avait fait de son mieux pour rendre son arrivée assez confortable. Nouveau drap de bain, produits de toilette pour homme, draps tout neufs et même plusieurs type de plats au cas où. Perfectionniste ? Totalement oui, en plus d'être anxieuse... Elle ne pouvait pas faire plus pour lui, autant faire au maximum du possible non ? Pour Léa bien sûr mais aussi parce qu'elle se doutait de la peine de Cole et qu'elle voulait l'adoucir au possible...
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Mer 30 Aoû - 19:09